Une histoire vieille comme le monde, une rivalité organique, institutionnelle. Une volonté aussi d'imposer un modèle au monde. La rivalité entre le Real Madrid et le Fc Barcelone est expansionniste.
D'un coté, vous avez le FC Barcelone, club centenaire, qui a toujours fait du beau jeu une obligation. Depuis une vingtaine d'années, le "Barca" a d'ailleurs trouvé sa voix. La tactique est simple: le 433. Une organisation rationnelle qui permet d'occuper le terrain en longueur et en largeur. Une tactique visant à déplacer les blocs adverses et à permettre au porteur de balle d'avoir toujours deux solutions: c'est le triangle.
Le Barca veut bien jouer, c'est-à-dire jouer à terre, donner vie à la balle, créer des décalages grâce aux multiples appels et faire participer les 11 joueurs aux phases offensives mais aussi défensives.
Actuellement, c'est le modèle dominant.
Tout le monde veut jouer Barca, veut le 433, veut rationaliser son football. L'important est de ne pas rendre le ballon à l'adversaire quitte à passer par des longues phases de conservation.
De l'autre, vous avez le Real Madrid, club centenaire lui aussi, qui a l'obligation du beau jeu mais voit cette donnée différemment. Le Real Madrid n'est pas décortiqué. Il n'a pas d'organisation fixe et préfère miser sur l'instinct. Les joueurs doivent être libres dans leurs placements, dans leurs envies.
L'important n'est pas de bien occuper le terrain mais d'être esthétique. Le Real ne veut pas du ballon pour contrôler le match mais pour créer.
Cependant, ce modèle semble avoir ses limites face aux organisations défensives. C'est en tout cas ce que laisse penser les dernières éliminations en Champions League.
Le Real Madrid est donc dominé.
Mais selon moi, le Real Madrid est ce qu'il existe de plus beau dans le football.
Le Real Madrid, c'est un tableau fait d'un seul jet, un instantané. C'est Ryu Murakami et son style qui brise les règles littéraires. Il faut briller. Les joueurs doivent créer un instant unique, doivent tenter le geste, doivent surprendre. Là ou le cerveau du Barca se nomme Xavi (et autrefois Guardiola), le Real a confié son animation à Zidane (ou à Guti actuellement).
Là ou les exploits viennent de Messi et de sa belle histoire, le Real a confié les clefs de son esthétisme à Cristiano Ronaldo, joueur dont la vie aurait inspiré de nombreux dramaturges grecs.
Mais pour être plus concret, restons dans le domaine sportif.
Cette situation est -globalement- identique dans le monde du Rugby.
La France actuelle qui occupe le terrain, est disciplinée, gagne mais qui ne lui préfère pas la France du French Flair. Une situation qui se retrouve aussi au Tennis ou la rivalité entre Federer et Pete Sampras ne cesse malgré la retraite de l'Américain.
Le Suisse est Barcelonais dans son style: il aime faire visiter toute la surface du terrain à son adversaire, maitrise tous les coups, sait très bien défendre et son jeu semble issu d'un calcul savant. C'est le plus gros Qi tennis de l'Histoire. L'Américain en revanche était un joueur instinctif, capable de monter au filet malgré une attaque moyenne, misant sur ses réflexes, sur son talent..
Le Real Madrid, le French Flair, le jeu d'attaque de Sampras, tous ont un point commun: la prise de risque.
Le Barca lui ne laisse rien au hasard. Une situation semble compliquée? Pas grave, on repasse derrière. L'équipe adverse joue une contre-attaque? Il faut faire faute. En effet, et malgré l'imaginaire collectif, le Barca fait beaucoup de fautes d'anti-jeu dans la difficulté. Le Real lui aime se mettre en difficulté. Une faute n'est pas belle pour le jeu, revenir n'est pas bien vu du public. Avez-vous déja vu le Real conserver la balle à Bernabeu? Jamais, le public siffle.
Alors que penser de ces modèles? Que le Barca domine, c'est indéniable, mais que le Real sera toujours meilleur. Le Barca actuel va forcer les équipes à rationaliser leur propre jeu, va créer indirectement des nouveaux systèmes défensifs. En revanche, le Real restera une énigme et peut sur n'importe quelle phase changer le cours d'un match.
Le Fb Barcelone, c'est Kant et sa métaphysique. C'est la ph(r)ase interminable qui sera juste au final. C'est la vérité par la démonstration. Le Real Madrid, c'est Hubert Selby Jr, c'est brut, c'est un éclat.
Un match du Fb Barcelone se vit, s'analyse. Un match du Real Madrid se rêve.