Warren G et moi, c'est un peu une histoire d'amour qui dure depuis près de quinze ans. No homo bien sur, mais il est vrai que j'ai toujours apprécié chez ce gars son flow nonchalant et son style vestimentaire ultra simple, en totale contradiction avec la majorité des acteurs qui constituent le rap game. Surtout, son Regulate...G Funk Era, véritable arme de distraction massive, capable de te ramener du soleil même dans le trou du cul de la Picardie, avec des ogives telles que This DJ, Do you See, So Many Ways ou tout simplement Regulate, m'a traumatisé, et reste pour moi l'album ultime de la West Coast, devant le premier Snoop et le The Chronic de Dr.Dre.
Et puis il y a eu "Take a look over your shoulder", sorti en 1997, d'un niveau légèrement inférieur à Regulate, qui contient néanmoins quelques petites bombes dont les singles "I shot the Sheriff" (fameux remix du titre de Bob Marley) et le très sensuel "Smokin me out", dont le refrain assuré par Ron Isley est légendaire. En 1999 sort "I Want it All", véritable ôde au G-funk, et considéré par beaucoup comme le second classique du G-Child. Warren G, voulant renouer avec les fondamentaux qui lui avaient assuré un succès d'estime avec "Regulate..G-funk era", opéra un retour aux sources réussi, symbolisé par de petites perles telles "Gangsta love", "Why oh why", "Dollars make sense" et surtout "My momma", peut être un des meilleurs morceaux de rap dans le genre, véritable hymne à la maternité.
Malheureusement, le demi-frère de Dr.Dre, et aussi cousin de Snoop, a mal géré le tournant des années 2000. Le G-funk devient quelque peu dépassé, ou plutot il a du mal à se renouveler, et son "The Return of the regulator", sorti fin 2001, peine à convaincre. Puis Warren Griffin touche un peu le fond avec "The mid-nite Hour", encéphalogramme plat et sans surprise, malgré quelques rares morceaux dont le très bon "Get U Down", alors consacré aux victimes de l'ouragan Katrina qui éventra la Nouvelle-Orléans en 2005.
Alors quoi? Le G-child, véritable héros de mon enfance avec Will Smith, Dennis Bergkamp et Sangoku, aurait-il perdu l'inspi? C'est avec une certaine inquiétude que je me suis décidé d'écouter son dernier opus, intitulé sobrement G-Files, et dont les premiers extraits furent, ma foi, assez bon, même si sans grande originalité. Je parle bien sûr de son single avec Ray-J, Crush, assez efficace, et de "She got her own ringtone", petite chansonette rigolotte où il exprime son amour en dédiant une sonnerie portable à sa dulciné, une track sympa mais qui ne casse pas deux jambes à un négro non plus (ou trois pattes à un canard, ça dépend où on habite). Mais est-ce bien suffisant? Car il faut bien le dire tout de suite: G-Files est un album honnête, mais relativement faiblard, avec des prods qui sentent le manque de budget (même si le manque d'argent n'empêche pas forcément de faire de bons morceaux...), une absence de featurings convaincants (Ray-J fait un refrain sympa certes, mais vraiment sans prise de risques, Snoop se contente de faire acte de présence, seuls Halla et Mr. Lucc, deux rappeurs inconnus de la West, apportent une certaine plus value avec de bonnes performances au mic), et des lyrics, sauf vers la fin de l'album, plutot bas de gamme et caricaturaux, même si la G-Funk amène forcément des thèmes légers et donc sans prise de tête.
Pour dire vrai, je n'ai retenu que quatre morceaux qui méritent de figurer sur un album G-Funk digne de ce nom: What's Wrong feat. Black Nicc et Halla, avec une instru épuré, des notes de piano en arrière fond, plutot classique dans la conception mais réellement efficace et des MC concernés, fustigeant la répression policière et les bavures, "Let's get High", titre sur lequel Warren G est épaulé par Travis Barker dans la production et dédié à la weed, "Hold on", chanson triste et sincère et enfin "The West is Back", gros son faisant penser à la Dre Touch dans la prod, le genre de titre qui met les pieds dans le plat dès le départ et qui fait bonne impression si tu veux rider en gova dans les rues d'Asnières-Sur-seine. Sunglasses sur le nez, bandanas, et signes ostentatoires de la main exigés bien sur. Le reste oscille entre le moyen + et le franchement mauvais. Je pense notamment au morceau avec Snoop et Cassie Davis, "Swagger Rich", qui n'a rien à faire là, une sorte de bouse techno faisant penser à du mauvais David Guetta, sonorité assez étrange sur un album de Warren G, qui a peut être voulu surfer sur la mode du moment (la house, musique culturellement européenne, réalise une véritable percée aux Etats Unis depuis quelque temps). J'aurais bien retenu 100 Miles and Running, le déja auto-proclamé gros tube West Coast de 2009 avec Raekwon et Nate Dogg, mais ce morceau ne m'a pas particulièrement convaincu, tout comme le titre intitulé "Suicide", avec un RBX énervé, plutot bien accueilli sur le net mais qui ne me touche pas plus que ça (quoique après plusieurs écoutes mon avis évolue sensiblement...).
Pour résumer, G-Files reste un opus assez moyen dans l'ensemble, plutot irrégulier, qui démarre fort jusqu'au cinquième morceau, pour opérer une traversée du désert assez pénible jusqu'au quatres derniers titres, qui réveillent et relèvent un peu le tout, même si terminer son album par les deux singles, très commerciaux dans leurs sonorités, peut s'avérer être une faute de goût. Pas suffisant en tout cas pour dire que le GOAT (Greatest of All Time, oui j'assume) est de retour, malheureusement. Peut être pas son plus mauvais album, je dirais même que c'est le moins pire qu'il ait sorti depuis I Want it all, mais quand même décevant quand on connait les capacités du bonhomme. Le G-Funk continue donc son chemin de croix, ce qui ne m'empêchera pas de m'enfiler un
This DJ pour satisfaire ma nostalgie, histoire de garder les bons souvenirs d'un type qui aura quoiqu'il arrive marquer à jamais mon enfance et participer à ma construction musicale. We miss you homie!
Lawn..